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Histoires de vie, et de vies...

Dans la lumière de l'hiver

Dans la lumière de l'hiver

Elle est rare, fugace, capricieuse, changeante, transforme en quelques minutes un ciel de plomb en or fondu, étire les ombres et floute les reliefs, fait de la moindre nappe de brume un hymne au surnaturel et de la pluie un éblouissement cristallin, tout en elle est magique, et le froid n'a pas d'importance. 

Une tempête a soufflé, suivie d'une seconde, à cette minute même où je vous parle. Il n'y a plus de silence, il y a le vent. Ininterrompu. Insistant. Tellement présent. Et dans son souffle, des plaintes, des craquements, des gémissements. Et la pluie, pressante et fragmentée, brutale, discontinue. La lumière s'y fait froide et le soleil est à la peine.

Il réapparaîtra, dès ce soir sans doute, nimbé de pourpre et d'or, transformant les arbres dénudés en personnages de conte fantastique. Ce soir, ou demain.

Dans la lumière de l'hiver

Le souffle, indifférent à tout, accélère sa course et soudain se suspend. Soudain le silence. Je sais qu'il va reprendre, et mes idées s'amoncellent comme une urgence, je pense à la plus sublime, la plus farouche et la plus indépendante des dessinatrices qui vient de mourir, au féminisme tout contenu dans ses dessins. Je pense à ces femmes qui se battent pour vivre, survivre, pour parler, les Vanessa Springora, Adèle Haenel, Sarah Abitbol,  toutes celles qui prennent la parole, et les hommes, trop rares, qui osent dire l'indicible, comme Sébastien Boueilh...  Et puis les silencieuses, les silencieux. Connus, inconnus. Nos voisins, voisines, collègues, amis, copines. Portant leur fardeau, leur douleur, leur mal-être. Essayant de l'étouffer, de faire au mieux, de s'en arranger, de faire comme si ça n'allait pas les rattraper, au détour d'un matin, d'une conversation, d'une confession.

Et ces femmes qui meurent, toujours, ces chiffres accablants, 149 en 2019, 11 au 31 janvier 2020. 93000 femmes victimes de viol ou de tentative de viol chaque année. En France. En France! Le pays où on encense Polanski, Matzneff, où Strauss-Kahn ne se livra jamais qu'à du "troussage de domestique", le pays des Lumières, où, en 1977, paraissait une pétition sur l'âge du consentement disant en gros que "3 ans, ça suffit bien pour des baisers et des caresses", oui, oui, signée par, allez, on va rire: Aragon, Barthes, Beauvoir, Bory, Chéreau, Deleuze, Glucksmann, Kouchner, Lang, Matzneff, Lyotard, Millet, Ponge, Sartre, Sollers,  c'est drôle, non? 

Non. Evidemment. Même, ça fait mal. Le pays des Lumières a des ombres lugubres qui le défigurent, le dénaturent, trop souvent. Trop longtemps. Aujourd'hui, enfin, les femmes parlent. Elles ont raison. Elles n'arrêteront plus. Le temps est terminé où les femmes craignaient de dire merde. De passer pour des emmerdeuses. Il faut emmerder les phallocrates, qui comptent nombre de femmes parmi eux, d'ailleurs.

Le vent finira par tomber, inéluctablement. L'ombre se fera douce, dans la lumière rasante de l'hiver. Alors peut-être, aussi,  nous retrouverons nos couleurs, et nos Lumières.  

 

Dans la lumière de l'hiver

Photos hivernales depuis ma campagne de bord de mer...

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À propos
La Baladine

Athée, laïque, féministe assurée et romantique assumée, universaliste, républicaine, rieuse et mélancolique, résolument positive dans un monde dépressif, agitatrice de cervelle, gratteuse infatigable du vernis des humains pour voir ce qu'il y a dessous... "Je ne fais effort ni pour qu'on m'aime ni pour qu'on me suive. J'écris pour que chacun fasse son compte." Jean Giono
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P
Je parlais de domination, d'asservissement, de violence... ce qui est exactement le sujet que tu évoques. Mais je n'insisterai pas davantage. Désolé de t'avoir offusquée.
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L
Le sujet que j'évoque concerne les femmes et les enfants. L'étendre revient à relativiser la violence qui leur est faite.
X
Il me vient à l'esprit une chanson qui est doublement et tristement de circonstance...<br /> https://www.youtube.com/watch?v=eUvApC0bwUk<br /> Sur dix hommes, un seul c.. suffit à "discréditer" les neuf autres...<br /> Ta dernière phrase est pleine d'espoir, j'y crois.
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L
@Hélène, je n'oublie rien. J'ai parlé de Cantat ici : http://www.labaladine.com/2017/10/octobre-violet.html,<br /> et n'en ai pas plus à dire, sinon que si l'homme m'a à jamais bousillé la chanson, et m'a passé l'envie de l'écouter, je ne nie pas la vérité, qui est qu'elle est d'une grande beauté.<br /> De même je ne paierai plus le moindre cent pour aller voir un film de Polanski, mais je garde le souvenir d'avoir été bouleversée par "Le Pianiste". Et je sais que je ne le reverrai jamais, parce que je n'aurai plus le même regard. <br /> Je ne dissocie pas l'homme de l'artiste, mais je me souviens de ce que fut son œuvre, quand je ne savais pas encore ce qu'était l'homme.
H
"Sublime" écrivez-vous ?... Oh non, ce n'est plus possible d'exprimer ainsi votre émotion...N'oubliez jamais qu'un meurtre reste à jamais associé à ce noir Cantat !
L
Chanson sublime a tout jamais gâchée par l'irréparable commis par son auteur. Le statut d'artiste n'est jamais une excuse, en rien. Ni un paravent. L'homme et son œuvre sont intimement liés. A l'homme (la femme) d'être cohérent. "Un homme, ça s'empêche" dit Camus. C'est ce que le reste du groupe Noir Désir a compris, respect à chacun d'eux pour ça.<br /> Merci d'y croire. C'est ainsi qu'on avance.<br /> ♥
P
Elles sont admirables, ces femmes qui prennent la parole et brisent les idoles contestables. Elles méritent respect et soutien.<br /> Pour ce qui, autrefois, n'était pas perçu comme outrageant par des être éclairés, les consciences évoluent. Ce qui était considéré comme "normal", alors, est devenu abject aujourd'hui. Intolérable. <br /> Mais dans d'autres domaines ce qui est encore considéré comme "normal" et ne choque pas grand monde sera probablement perçu comme inacceptable dans quelques dizaines d'années. Je veux parler d'une autre forme de domination : celle qu'une partie des humains exerce sur le vivant, sauvage ou "domestique". Trop peu s'en offusquent aujourd'hui, alors qu'on retrouve l'essence même des abominations que tu décris : dominer, asservir, détruire, exploiter, jouir pour son avantage personnel en niant les effets que cela peut avoir sur l'être dominé.
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L
Changer d'angle quand on parle de violences faites aux femmes et aux enfants, pour faire dériver vers autre chose, oui, c'est malvenu. <br /> J'ai rappelé une part des chiffres qui concernent les femmes, une douzième est morte il y a 2 jours, il y a aussi 25000 plaintes pour agressions sexuelles sur des enfants par an, 1 enfant qui meurt tous les 5 jours sous les coups de ses parents, il y a 4 millions de personnes victimes d'inceste, 10 000 enfants prostitués.
P
Sujet (très) sensible, à ce que je vois. Je ne demandais aucune justification pour quoi que ce soit.<br /> C'était juste une invitation, visiblement maladroite et malvenue, à échanger en regardant les choses sous un autre angle.
L
Pour ce qui est des intellos artistes et autres hommes politiques j'ai été suffisamment claire dans mon texte pour ne pas avoir à y revenir. Je les cite même nommément.<br /> <br /> Pour le reste, d'une part, je ne compare pas les femmes et les enfants aux animaux. Entre ma fille et mon chien, il n'y a pas photo.<br /> <br /> D'autre part, je mange de la viande parce que je suis par nature omnivore. <br /> <br /> Ta dernière phrase tenant clairement du procès d'intention, je n'irai pas plus loin. Je n'ai aucune justification à te donner sur la façon dont je perçois et vis la chose.
P
J'ai écrit "normal" avec des guillemets, pour bien montrer la distance que je marque avec ce terme ici. Certains (artistes et intellectuels) tentaient d'ériger un déplacement de la normalité, en évoquant par exemple le "consentement" (avec guillemets, là encore) de leurs victimes.<br /> Pour ce qui concerne les autres formes de domination, chacun fait selon sa conscience, se référant (ou pas) à "ce qui s'est toujours fait". Ce qui constitue de fait une sorte de... normalité dispensant de son éventuelle remise en question :)
L
Je ne suis pas sûre de comprendre ton commentaire. Ce qui était considéré comme normal? La pédophilie était illégale en 77. Et pourtant des "esprits éclairés" comme Matzneff ou Pivot s'en amusaient publiquement. Ce n'était pas normal. C'était juste admis comme le privilège d'une élite "intellectuelle", ou dite comme telle. En fait juste une élite assise sur ses petits privilèges qui la mettent à l'abri de toute poursuite et lui permettent de se livrer à toutes les turpitudes, celles-ci comprenant le viol et/ou le meurtre de femmes et d'enfants.<br /> Je suppose que le reste est un parallèle avec les animaux. Je ne te suivrai pas sur ce terrain. Je suis omnivore et le reste sans état d'âme. Spéciste, si tu veux le voir ainsi. Bie traiter, mais rester ce que je suis, ce qui a fait mon histoire et la survivance de mon espèce.
E
Le pays des lumières n'a pas généré que des lumières, hélas. Plusieurs fois hélas. Et l'anormal, le monstrueux, l'inattendu... il arrive près de chez nous tous les jours. Toutes ces choses brutales comme la violence physique, verbale ou comportementale, la pédophilie, la mysoginie, la cruauté profonde et cachée, j'ai vu, vécu, connu ou approché. Ca n'arrive pas qu'aux autres, c'est à nous que ça arrive....
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L
Hélas, oui, mais on ne ne s'y fait jamais... heureusement. Oui, c'est à nous que ça arrive, à nous toutes, nous tous. chacun d'entre nous...
A
Voilà un texte d'une grande justesse et donc d'une grande efficacité.<br /> Placer ce que tu relates au cœur de la nature tempétueuse et de ses dégâts pour terminer par ton dernier paragraphe d'espérance lumineuse, c'est fort, et bien au-delà d'un quelconque procédé littéraire.<br /> Sur le fond des choses, quoi dire d'autre que ce que tu as exprimé, si ce n'est l'approuver et le soutenir.<br /> Il y a encore beaucoup à faire, à changer, à dénoncer. Mais je crois vraiment qu'il n'y aura pas de retour arrière. S'écroulera tout ce qui doit s'écrouler, seront déracinés les êtres contaminés et rongés de l'intérieur par leur inhumanité.<br /> Merci pour ce texte important, même s'il fait mal à l'âme, parce qu'il ne peut en être autrement tant que les temps détestables ne sont pas chassés.
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L
Je marche beaucoup en ce moment, je vois des paysages sublimes, je prends des photos (avec mon tél donc passables mais bon...) et ça pédale dur dans ma petite cervelle, tout ça en même temps... <br /> Et puis tu commences à me connaître, il m'était impossible de me contenter de parler des beautés hivernales.<br /> "Mal à l'âme" oui c'est le mot juste. Très mal. Mais on n'a pas le choix, il faut en passer par là.<br /> Merci.<br /> Je t'embrasse fort ♥
M
Des paroles comme des tempêtes qui permettent aux silencieuses, aux anonymes de ne pas se sentir seules.... Notre monde a encore du travail avec ses hommes....
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L
J'en sais qui me lisent en silence.<br /> Ses hommes, et ses femmes qui approuvent le joug qui leur est imposé, jusqu'à vouloir l'imposer à toutes...
A
Bonjour Sylvie,<br /> pour commencer je me suis dit: voici une note pour moi!!! Le vent, la mer....<br /> Et puis....<br /> Quel texte!<br /> tes mots m'ont cueillie.<br /> Aragon.... ??? Vraiment?<br /> Que le pays des Lumières aie des ombres, on le sait depuis la Révolution! qui a quand même guillotiné Olympe de Gouges! (et Louis XVI qui avait aboli la pratique de la torture)..
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L
Oui, Aragon. Il y a des noms qui font plus mal que d'autres... <br /> Qu'on ait si peu évolué depuis 3 siècles, ça fait mal aussi. D'autant plus quand on entend des responsables politiques appeler à une révolte/rébellion/révolution. <br /> Ça me fiche dans une colère noire.<br /> Mais j'avais raison, aujourd'hui il fait beau temps belle mer ;-)
C
c'est désespérant de voir que tous ces gens connus prennent à la légère les violences faites aux femmes, oui c'est désespérant<br /> En Belgique aussi les nouvelles victimes s'additionnent et c'est désespérant... <br /> Merci pour ce texte très fort....
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L
Et je n'ai pas cité la jeune Mila menacée de mort pour blasphème, Tariq Ramadan de nouveau mis en examen... <br /> Aucun pays n'est à l'abri, mais que ça se produise à cette fréquence dans les pays occidentaux... ça dépasse l'entendement.<br /> Bisous
D
Coucou ma belle. Ton texte est comme une tempête qui souffle tout sur son passage. Oui, combien de femmes continuent de mourir sous les coups des hommes? Encore beaucoup trop! Et pas seulement en France mais partout dans le monde. Je me rappelle la honte qui a été la mienne quand il a fallu dire devant la police ce qui était arrivé. Comme si c'était de ma faute, comme si j'avais fait exprès, comme si...<br /> <br /> Cette honte, je l'ai transformée en force. Mais combien de ces femmes n'arrivent pas à faire cela car elles n'ont plus de force. Oui, le vent de la tempête va encore souffler, et les nuages encore s'accumuler mais au-delà de tout cela, je reste persuadée qu'il y a une issue si toutes et tous, nous parlons et surtout, si nous nous écoutons pour faire grandir ce monde. Alors le soleil brillera. Demain. <br /> Bises alpines
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A
Oui, on connait tous et toutes au moins une femme dans cette situation. C'est hallucinant, incompréhensible. Et celles qui sortent du silence ne sont pas (ou encore très mal) protégées.
L
Je crois sincèrement que le mouvement qui s'est amorcé il y a longtemps déjà mais qui s'est considérablement amplifié depuis l'affaire Weinstein est irréversible. Et c'est tant mieux.<br /> Tu as raison de le rappeler, il faut de l'écoute. Pour savoir où et comment retrouver sa force vitale. <br /> Baiser convaincu ♥
N
Comme ta parole est forte, ma chère Balade. Bon, d'accord, c'est pas la grande forme aujourd'hui, mais quand même, tu as réussi à me faire pleurer. Le vent va sécher ma tempête et le sourire revenir. Forcément. Merci pour ton texte, tes révoltes. Et ta beauté. Essentielle.
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L
J'espère que la forme et le sourire sont revenus, mon but n'était pas de faire monter les larmes. Sinon, je te conseille à mon tour de reprendre une petite dose d'Agrippine ;-)<br /> <br /> Je t'embrasse ♥