Histoires de vie, et de vies...
13 Février 2020
Elle est rare, fugace, capricieuse, changeante, transforme en quelques minutes un ciel de plomb en or fondu, étire les ombres et floute les reliefs, fait de la moindre nappe de brume un hymne au surnaturel et de la pluie un éblouissement cristallin, tout en elle est magique, et le froid n'a pas d'importance.
Une tempête a soufflé, suivie d'une seconde, à cette minute même où je vous parle. Il n'y a plus de silence, il y a le vent. Ininterrompu. Insistant. Tellement présent. Et dans son souffle, des plaintes, des craquements, des gémissements. Et la pluie, pressante et fragmentée, brutale, discontinue. La lumière s'y fait froide et le soleil est à la peine.
Il réapparaîtra, dès ce soir sans doute, nimbé de pourpre et d'or, transformant les arbres dénudés en personnages de conte fantastique. Ce soir, ou demain.
Le souffle, indifférent à tout, accélère sa course et soudain se suspend. Soudain le silence. Je sais qu'il va reprendre, et mes idées s'amoncellent comme une urgence, je pense à la plus sublime, la plus farouche et la plus indépendante des dessinatrices qui vient de mourir, au féminisme tout contenu dans ses dessins. Je pense à ces femmes qui se battent pour vivre, survivre, pour parler, les Vanessa Springora, Adèle Haenel, Sarah Abitbol, toutes celles qui prennent la parole, et les hommes, trop rares, qui osent dire l'indicible, comme Sébastien Boueilh... Et puis les silencieuses, les silencieux. Connus, inconnus. Nos voisins, voisines, collègues, amis, copines. Portant leur fardeau, leur douleur, leur mal-être. Essayant de l'étouffer, de faire au mieux, de s'en arranger, de faire comme si ça n'allait pas les rattraper, au détour d'un matin, d'une conversation, d'une confession.
Et ces femmes qui meurent, toujours, ces chiffres accablants, 149 en 2019, 11 au 31 janvier 2020. 93000 femmes victimes de viol ou de tentative de viol chaque année. En France. En France! Le pays où on encense Polanski, Matzneff, où Strauss-Kahn ne se livra jamais qu'à du "troussage de domestique", le pays des Lumières, où, en 1977, paraissait une pétition sur l'âge du consentement disant en gros que "3 ans, ça suffit bien pour des baisers et des caresses", oui, oui, signée par, allez, on va rire: Aragon, Barthes, Beauvoir, Bory, Chéreau, Deleuze, Glucksmann, Kouchner, Lang, Matzneff, Lyotard, Millet, Ponge, Sartre, Sollers, c'est drôle, non?
Non. Evidemment. Même, ça fait mal. Le pays des Lumières a des ombres lugubres qui le défigurent, le dénaturent, trop souvent. Trop longtemps. Aujourd'hui, enfin, les femmes parlent. Elles ont raison. Elles n'arrêteront plus. Le temps est terminé où les femmes craignaient de dire merde. De passer pour des emmerdeuses. Il faut emmerder les phallocrates, qui comptent nombre de femmes parmi eux, d'ailleurs.
Le vent finira par tomber, inéluctablement. L'ombre se fera douce, dans la lumière rasante de l'hiver. Alors peut-être, aussi, nous retrouverons nos couleurs, et nos Lumières.
Photos hivernales depuis ma campagne de bord de mer...
Athée, laïque, féministe assurée et romantique assumée, universaliste, républicaine, rieuse et mélancolique, résolument positive dans un monde dépressif, agitatrice de cervelle, gratteuse infatigable du vernis des humains pour voir ce qu'il y a dessous...
"Je ne fais effort ni pour qu'on m'aime ni pour qu'on me suive. J'écris pour que chacun fasse son compte." Jean Giono
Voir le profil de La Baladine sur le portail Overblog