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Histoires de vie, et de vies...

« Je ne reviendrai jamais »

 

"Je suis la femme qui s'est éveillée

Je me suis levée et me suis changée en tempête balayant les cendres de mes enfants brûlés

Je me suis levée des ruisseaux formés par le sang de mon frère

La colère de mon peuple m'a donné la force

Mes villages ruinés et incendiés m'ont remplie de haine pour l'ennemi,

Je suis la femme qui s'est éveillée,

J'ai trouvé mon chemin et je ne reviendrai jamais.

J'ai ouvert des portes closes par l'ignorance

J'ai dit adieu à tous les bracelets d'or

Oh compatriote, je ne suis plus celle que j'étais

Je suis la femme qui s'est éveillée,

J'ai trouvé mon chemin et je ne reviendrai jamais.

J'ai vu des enfants sans foyer, errant pieds nus

J'ai vu des promises aux mains tatouées de henné en habit de deuil

J'ai vu les murs géants des prisons avaler la liberté dans leurs estomacs d'ogres

Je suis ressuscitée parmi des gestes épiques de résistance et de courage

J'ai appris le chant de la liberté dans les derniers soupirs, dans les vagues de sang et dans la victoire

Oh, compatriote, oh frère, ne me considère plus comme faible et incapable

Je suis de toute force avec toi, sur le chemin de la libération de mon pays.

Ma voix s'est mêlée à celle de milliers d'autres femmes qui se sont levées

Mes poings se serrent avec les poings de milliers de compatriotes

Avec toi, j'ai pris le chemin de mon pays,

Pour briser toutes ces souffrances et tous ces fers,

Oh compatriote, oh frère, je ne suis plus celle que j'étais

Je suis la femme qui s'est éveillée

J'ai trouvé mon chemin et je ne reviendrai jamais."

Meena Keshwar Kamal 1956-1987

 

« Je ne reviendrai jamais »

Je me souviens de Meena Keshwar Kamal, remarquable poétesse afghane, ardente féministe, femme libre et engagée, lâchement assassinée le 4 février 1987. Elle avait 31 ans. Jen parlais ici.

Je me souviens du magazine ELLE, en avril 2001, qui publiait ce numéro,

s'alarmant du fait que le monde s'émeuve plus de la destruction des bouddhas de Bamiyan que du sort des femmes afghanes et de leurs enfants.

Je me souviens, quelques semaines après la chute des talibans, de la création de Roz (jour en persan), premier magazine féminin afghan, qui encourageait les femmes à abandonner leur tchadri, à résister à la pression sociale et familiale. Vingt ans de progrès, d'éducation, d'émancipation, de femmes qui deviennent professeures, médecins, magistrates, artistes, cadres, qui ont acquis de haute lutte leur place dans la société, vingt ans pulvérisés. Pour elles, pour les 300 000 petites filles scolarisées, les étudiantes, c'est l'éternel retour de l'enfer. L'horreur absolue.  

Je me souviens de ce documentaire sur les filles du Bamyan Ski Club, qui bousculaient la société traditionnelle. Aujourd'hui, demain, elles seront mariées de force, violées, ou elles mourront. Et si elles survivent, elles seront esclaves, enfermées, soumises à vie. À vie. 

Évidemment je n'ai pas de solution. Aucun pouvoir pour enrayer le triste sort qui les attend. Mais je ne peux non plus faire taire ma conscience. Elle ne sait pas se reposer, il lui faut dire. Dire la colère, la tristesse et la honte pour celles, pour ceux qui détournent les yeux. Si je n'ai pas assez de mots pour exprimer mon chagrin et mon impuissance, je peux au moins dire ma fureur. Celle que j'éprouve quand j'entends une certaine gauche habituée au relativisme islamiste nous chanter qu'on ne connaît pas les intentions talibanes, la chaîne Arte nous présenter des loups maquillés en agneaux -magnanimes!- autorisant les petites filles à aller à l'école jusqu'à l'âge de 10 ans (sic) et se présentant comme moins corrompus que les élites, mais trafiquant joyeusement l'opium, coupant des mains, fouettant, lapidant, dans le pur respect "des droits de l'homme compatibles avec les valeurs islamiques", la charia, rien que ça! J'enrage contre les pseudo féministes qui, sous couvert de liberté de choix et d'identitarisme, défendent le hijab sans même (vouloir) réaliser qu'elles sont devenues les idiotes utiles de l'islamisme.

Je pense très fort à Hanifa Safi, ministre afghane assassinée en 2012, à la féministe Nadia Sidiqi tuée la même année, aux écolières de Kaboul mortes dans un attentat en mai dernier, à Khasha Zwan, cet humoriste massacré sous les yeux de ses enfants à Kandahar fin juillet parce qu'ils se moquaient des talibans, à Zarifa, Tayeba, Sahraa, Smita, Mohadese, Najiba, Sahar, Nadia, Pari, Sharifa, tous ces prénoms entrevus au fil des reportages, témoignages, et toutes les autres, toutes ces femmes, ces enfants dont l'horizon s'est réduit à 4 murs et la toile de la burqa. Je n'ignore évidemment pas que les talibans s'en prennent aussi aux écoles de garçons. L'éducation et la culture sont à bannir. Le féminin est invisible. Réduit à son utérus. Tout le passé, toute l'histoire, toute la mémoire, tout l'avenir d'un pays sont en train de disparaître, effacés par une armée de barbus obscurantistes. 

L'Afghanistan, ce vieux et rude pays à la géographie complexe, est surnommé par les historiens "le cimetière des empires". Prenons garde qu'aujourd'hui, dans cette guerre commencée (pour l'Occident) le 11 septembre 2001, il ne devienne le cimetière de nos vies, de nos rêves et de nos espoirs, le cimetière de la femme, de toutes les femmes.

« Je ne reviendrai jamais »

"Une femme, dans un État taliban, c'est un ventre destiné à procréer. Elle ne bouge pas, elle reste à la maison". Chékéba Hachemi, fondatrice de l'ONG Afghanistan libre. On peut soutenir ici → AFGHANISTAN LIBRE et là → UHNCR ou encore là RAWA . Parlons-en!

 ICI  (clic) le partage d'une autre expression sur le sujet, qui rejoint toutes mes pensées et me parle tellement au cœur ♥

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À propos
La Baladine

Athée, laïque, féministe assurée et romantique assumée, universaliste, républicaine, rieuse et mélancolique, résolument positive dans un monde dépressif, agitatrice de cervelle, gratteuse infatigable du vernis des humains pour voir ce qu'il y a dessous... "Je ne fais effort ni pour qu'on m'aime ni pour qu'on me suive. J'écris pour que chacun fasse son compte." Jean Giono
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Commenter cet article
N
J'espère que les plus plombés de tes nuages s'en sont allés, et que ton ciel s'éclaircit sinon bleu, du moins, clair. C'est tout ce que je te souhaite. Pensées, "en passant" et tendres baisers. De tout ♥ avec celles et ceux qui souffrent, plus particulièrement (pourquoi plus, d'ailleurs, c'est tout le temps !) en ces temps sombres.
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L
"Après la pluie, le beau temps" comme disait la Comtesse, ou comme on dit dans les campagnes "s'il pleut, c'est que bientôt, il ne pleuvra plus". Merci infiniment pour ta sollicitude qui me met du soleil dans le cœur. Et surtout, continue tes merveilleuses Chronik ♥
N
Je pense régulièrement à toi, espérant que tu vas bien dans ta tête, mieux dans ton poignet.<br /> Tendresse.
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L
Merci, je suis très touchée. Grosse fatigue et petit moral, mon ciel est plutôt perturbé ces temps-ci. Mais bon, les nuages, même les plus plombés, finissent par passer. J'attends. Je lis toujours avec émotion tes voyages au pays du souvenir, tes indignations et tes émerveillements. Tendresse en retour.
N
Je revenais ici ce jour demander de tes nouvelles, m'inquiétant un peu d'un silence un peu long, et d'une absence de réponse dont tu n'es pas coutumière ... c'était physique, et j'espère que te voilà bien réparée.<br /> Quant aux femmes évoquées qui souffrent, et aux connasses à l'indignation très sélective, au monde de notre impuissance, tout ça me vrille les boyaux, du bas et du haut, et j'ai envie de hurler, ce qui ne ferait pas avancer le schmilblick ! J'en ai marre de toutes ces conneries ! Baisers.
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L
Ma foi hurler un bon coup, parfois ça soulage, et c'est déjà ça ;-)<br /> Suis pas réparée du tout, mon poignet a besoin de repos et c'est impossible... <br /> Baisers en retour
N
Envoyé par Nikole le lundi 27 septembre 2021, 18:33<br /> Je n'avais pas vu que tu avais recommencé à écrire (et j'en parle ici car une fois encore je ne sais où mettre un com) et je m'en réjouis, enfin, sur l'intention, parce que pour ce qui est du contenu, ta saine colère réveille, s'il en était besoin, mes rages et mes larmes intérieures.<br /> C'est drôle, coïncidence, j'ai découvert ailleurs le poème que tu cites, aujourd'hui même, le non-hasard est décidément une constituante importante de nos vies. J'espère que tu auras ce court message. Je suis moins prolixe que toi en matière de commentaire. En l'occurrence, je ne peux que me joindre tristement à toi pour opiner du chef sur ce que tu dis. Ciel que ce monde est fou !<br /> Je t'embrasse tendrement.
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L
*féminisTes
L
Le temps passe et l'atrocité du sort de ces femmes demeure, en même temps que l'Etat islamique s'amuse à semer la terreur. Et le silence général des Occidentales me sidère. Toutes ces féminises qui se disent "néo", ces intersectionnelles racialistes qui ne savent que suer la haine de l'homme blanc et se prêtent à tous les compromis les plus hideux pour ne pas désavouer les "traditions culturelles" talibanes. Je sais que ma parole est insignifiante mais comment se taire, comment ne pas dénoncer, sans relâche? Faut-il se satisfaire d'avoir la chance d'être née ici et pas là-bas? Ce serait si facile, comme de faire semblant de croire que ce qui se passe là-bas ne va pas, un jour où l'autre, nous revenir en boomerang. Les Afghanes et nous partageons la même humanité, il faut le répéter encore et encore. Personne ne pourra dire "on ne savait pas".<br /> Je t'embrasse pareil en retour, avec reconnaissance♥
N
J'm'arrange pas moi, chuis concon de ne pas avoir vu où mettre mon com, que du coup je t'ai envoyé par "contact" interposé ! :-(
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L
C'est ma plateforme qui est concon d'avoir omis de me transmettre ton com... Et moi de ne pas être venue vérifier sur le blog, que j'ai un peu abandonné pour cause de poignet (droit sinon c'est moins drôle) en vrac... Bon, il ne m'aura fallu que 3 semaines pleines pour corriger l'erreur. :-((
M
http://emprises-de-brises.over-blog.com/
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L
:-)
M
Je suis une fois de plus tellement choquée du sort qui est fait à ces femmes, je ne comprend pas comment l'image de leur mère ne leur vient pas à l'esprit et au coeur, comment peux-t-on les traiter si mal ?<br /> Je poursuis mon commentaire parti trop vite<br /> Merci pour cet article
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L
Pour le taliban, la femme est un objet de possession, c'est tout. Un objet "précieux", pour ceux qui comparent la femme à une perle, "quand tu as une très belle perle, tu la mets dans une jolie boîte" (sic). Pour ceux qui comparent la femme à un melon, c'est la même idée, en plus consommable "entre un melon tranché et un melon intact, je choisis le melon intact. Une femme sans hijab est comme un melon tranché" (sic, là encore). Traduire, j'enferme ma femme et ma fille, comme mon père enfermait ma mère, parce qu'une femme ça se possède, ou ça meurt. Dans tous les cas, la femme disparait de la circulation. <br /> C'est abject, c'est à vomir, surtout c'est à combattre.<br /> Merci à toi d'être passée, même si tu as gentiment cafouillé, c'est l'émotion, c'est humain ;-)
Q
C'est terrible, et on reste sans mots pour exprimer la désolation qui s'empire des femmes, les soeurs de toutes celles qui sont si mal traitées, c'est tellement incompréhenssible, ces gens là devraiznt louer l'image de l
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M
Que dire?<br /> Emouvant, révoltant... oui n'oublions pas les mots de Simone de Beauvoir:" "N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant."
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L
En effet, il suffit de regarder ce qui vient de se passer au Texas, et comment, d'ailleurs, le droit à l'IVG recule à grande vitesse aux US. Comment il reste prohibé dans nombre de pays du monde, et comment il est soumis à de fortes restrictions dans beaucoup d'autres. Même si le sort des Afghanes est particulièrement poignant, il nous faut rester conscientes que les droits des femmes restent sous pression un peu partout. Même ici.<br /> Merci pour votre passage :-)
S
merci pour ces mots comme des armes...
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L
Si seulement! Mais des armes pacifiques alors, ou "pacifiantes", oui, ça ce serait vraiment bien. <br /> Merci à vous d'être venue jusqu'ici, et merci infiniment pour la jolie pensée chez Marie♥
D
Coucou. "Je suis la femme qui s'est éveillée". Que de force dans ces mots si simples en apparence. Je regarde depuis plusieurs jours des reportages sur ce pays si tourmenté et je suis toujours sidérée de voir comment ces talibans sont imbus d'eux-mêmes, sûrs d'eux. Le fait même de leur donner la parole me questionne également. Si on les laisse parler, on leur donne à quelque part une tribune. Je partage en tous les cas ton ressenti sur ce qui se passe là-bas. Bises alpines.
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L
Ma Dédé! Je n'avais pas vu que tu étais revenue! Oui, ces vers sont poignants, d'une simplicité tragique qui transperce et bouleverse... On peine à imaginer la souffrance de ces femmes muselées, asservies, enterrées vives... Et je comprends ton interrogation. Leur discours est parfaitement révoltant. Mais que faire pour nous, sinon parler, soutenir, orienter vers des liens qui ouvrent une perspective d'aide concrète.<br /> Bises de bord de mer ensoleillé
G
J’adhère totalement à chaque mot, chaque virgule, chaque point. Si triste et si révoltée. Solidaire en tous points avec ces femmes mais aussi avec le peuple afghan martyrisé et avec les enfants!<br /> Merci de votre message. Merci pour elles, merci pour eux.
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L
Merci à vous surtout, pour ces mots, pour la solidarité, pour la fidélité, aussi, qui me touche énormément♥
A
Ce qui se passe actuellement là-bas est une terrible désolation qui ne peut que dévaster le cœur des femmes, et aussi des hommes, qui désirent tant l'égalité et la liberté en ce monde si malmené. À quoi il faut ajouter malheureusement la dévastation abominable des corps pour les victimes sur place.<br /> Je ne peux que te rejoindre dans ton texte dont j'approuve chaque phrase.<br /> La dernière photo de la femme supportant le poids d'un tchadri qui pèse des tonnes symbolise tellement la pire exploitation, l'esclavage, dans lequel on enferme des femmes au nom de je ne sais quelle « croyance » idiote et inadmissible.<br /> Oui, c'est terrible, et nous sommes si démunis…
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L
Merci, c'est toujours une petite consolation que de se savoir accompagnée ♥ <br /> Cela dit, il ne s'agit pas de croyance mais de tradition. Elisabeth Badinter le rappelait il y a déjà une douzaine d'années "les plus hautes autorités religieuses musulmanes ont déclaré que les vêtements qui couvrent la totalité du corps et du visage ne relèvent pas du commandement religieux mais de la tradition, wahhabite (Arabie Saoudite) pour l'un, pachtoune (Afghanistan, Pakistant) pour l'autre". Tous les historiens spécialistes du monde arabe et de l'islam s'accordent d'ailleurs à dire la même chose. Mais les fanatiques préfèrent une lecture littérale pour asseoir leur idéologie. On a la même chose avec les chrétiens, d'ailleurs. Tout ça me rend folle de colère.
C
je l'ai partagé ton article du jour sur Twitter, sur Facebook parce que j'en partage chaque mot, chaque virgule, toute ma féminité est en éveil, que chaque femme d'ici se lève pour une femme de là-bas contre ses petits hommes qui se croient grands <br /> amitié solidaire .
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L
Merci d'être passée, et merci pour les partages et ces mots chaleureux qui me vont droit au cœur. J'en profite pour te déposer ce lien vers un article que j'avais relayé et qui, si tu ne le connais déjà, devrait te parler fort https://www.labaladine.com/2021/03/la-mort-de-l-universalisme-c-est-la-fin-du-feminisme.html<br /> Amitié en retour
D
Ecrire sur un blog pour dénoncer ce qui se passe là-bas, ne pas croire ce que les Talibans veulent faire croire à nos gouvernements, ce n'est peut-être pas grand-chose mais c'est déjà cela. Se battre ici pour les droits des femmes, c'est aussi donner de l'espoir à d'autres femmes, dans d'autres régions du monde. Bises alpines.
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L
Oh Dédé c'est si gentil! Merci! Oui, nous avons cette chance, nous, de pouvoir dire, clamer, écrire, lire! Nous avons tout, liberté, instruction, indépendance, avenir, espoir! Bises marines reconnaissantes
B
Ce que nous pouvons faire, c'est cela : en parler, en écrire, y penser, faire savoir, rappeler constamment ce qui se passe ; être solidaire et n'avoir de cesse de proclamer les droits fondamentaux des êtres humains.
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L
Merci :-) Oui, il y a cette citation de Simone de Beauvoir qui résonne si tristement depuis quelques temps : "N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant." Nous la connaissons toutes. N'oublions jamais.