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Histoires de vie, et de vies...

Confinement vôtre*

Ce billet n'est pas le mien, mais celui d'Edouard Baer, dandy désenchanté, drôle, absurde et poétique. Je vous le livre ici, monologue labyrinthique qui prend sens au fil des mots, parce que je vous aime, parce qu'on apprend tellement de soi en écoutant les autres, parce que ce type a le génie de l'improvisation, de la tendresse partagée, du verbe qui danse, des mots toujours en haleine, qu'il a su garder intacte sa capacité d'émerveillement, parce que le goût des mots, la conscience du malheur et l'appétit du bonheur, parce que la candeur et la poésie, parce que la musique de Ferré, parce que parfois,  "l'important, c'est de trouver ce qu'on n'attendait pas".* *

Vous pouvez l'écouter, en cliquant sur le lien ci-dessus en bleu, le lire aussi, retranscrit plus bas, l'important est d'en entendre le sens, la poésie folle. Comme une moelle épinière, l'espérance court dans l'os des mots, les anime et les hallucine avec une force intensément vibrante, celle de la vie.  

Monologue, confinement, 16 avril 2020, Edouard Baer:

"Tu es comme un lion dans ta cage, aujourd'hui. Bien sûr, bien sûr au début ça allait, tu te disais  c'est bien, c'est l'occasion de rencontrer cette personne avec qui je vis depuis tant d'années, que je ne connais pas, que j'ai cherché à éviter, à changer de trottoir quand elle passait, moi-même... Bien sûr tu ne t'intéressais pas plus que ça, ou parfois trop. C'est difficile la bonne distance avec soi-même, et puis là, l'immobilité t'a rendu à ça, la distance que tu n'as pas choisie.

Parfois ce qu'on ne choisit pas dans la vie c'est ce qui nous sauve. C'est ce qui nous sauve. Bien sûr ça ne fait pas de bien sur le moment. C'est la souffrance. C'est ce qu'on a évité. Ce qu'on a évité nous arrive. La vie c'est ce qui se passe quand tout ce qu'on avait prévu n'a pas eu lieu.

Mais là, là ça fait trop longtemps ou pas assez. Tu ne peux pas abolir complètement le temps. Tu ne peux pas te dire, non, c'est l'immobilité pour toujours.Parce que le mois des 30 dimanches ou l'année des 365 jours ça ne marche pas. S'il n'y a plus quelque chose contre lequel lutter, contre lequel s'accrocher, des aspérités, c'est invivable tout ça, le vice, la misère et l'ennui... Alors, alors toi tu veux avancer parce que la vie s'arrêtera, tu voudrais avoir fait quelque chose, avoir vécu un peu avant de mourir.

Bien sûr, tu sais que tu as de la chance. La seule chose qu'on t'aie demandée c'est ça, cet arrêt, cette immobilité. Bien sûr tu sais les souffrances, tu les entends, tu les vois autour de toi, tu les as touchées du doigt.

Mais dehors... dehors... c'est quand même le printemps. Je sais pas si c'est un printemps inutile ou pour personne, en tout cas, à travers les vasistas un peu pourris d'une chambre de gamin, d'un 2 mètres sur 3 ou du palais d'un prince, le même printemps qui est là, provoquant avec ses lilas, avec des fleurs dont tu ne connais pas le nom, mais que tu devines et que tu regrettes.

Et puis ce printemps, tu vas y aller, tu vas descendre dedans, tu sais que c'est pour bientôt, tu sais que tu vas souffler, tu le sais, quand l'espace public sera rendu à tous, qu'on sera à nouveau peau contre peau, sourires contre sourires, là, proches les uns des autres, même petit à petit, même lentement, même si c'est pas le premier jour, ça arrive, ça monte, ça vient, ce printemps, on va l'attraper avec les dents..." 

*Illustration et titre, crédit Radio France

**La citation exacte de Samuel Ting : "L'important, c'est de trouver ce que vous n'attendiez pas".

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À propos
La Baladine

Athée, laïque, féministe assurée et romantique assumée, universaliste, républicaine, rieuse et mélancolique, résolument positive dans un monde dépressif, agitatrice de cervelle, gratteuse infatigable du vernis des humains pour voir ce qu'il y a dessous... "Je ne fais effort ni pour qu'on m'aime ni pour qu'on me suive. J'écris pour que chacun fasse son compte." Jean Giono
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P
Ps : Marre de ne pas recevoir les notifications à tes notes, alors cette fois je me suis abonnée à ta newsletter.
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L
Si tu savais, il y a tellement de blogs dont les notifications vont direct à la corbeille, et rien à faire pour corriger, j'en ai même dans les spams! Donc j'ai ma liste de favoris et je vais jeter un œil plus ou moins régulièrement... Note que je reçois les tiennes, de notifications. Ce doit être une histoire de plateformes plus ou moins antagonistes, je présume... <br /> Bisou tendre
P
Je ne connaissais pas Edouard Baer, alors d'abord merci pour la découverte. <br /> Habituellement je préfère lire un texte que l'écouter, mais pour lui j'ai changé d'avis. <br /> D'ailleurs il parle tellement vite que ça va plus vite d'écouter que de lire ! <br /> Et puis là ça change tout. Tant d'émotions ! <br /> Et curieusement, depuis la première seconde j'ai pensé à Léo Ferré, j'ai entendu moitié Edouard Baer moitié Léo Ferré. Bizarre. Mais si bon...
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L
https://youtu.be/AMij3xjEW-A<br /> https://youtu.be/dsECtBWRcC0<br /> https://youtu.be/ji8bTNuww_A<br /> https://youtu.be/YXpvKM28DfY<br /> Voilà pour Edouard Baer, si ça te dit... Je l'avais découvert avec Le Bison, film d'Isabelle Nanty, il m'avait beaucoup émue, il ne m'a jamais déçue, théâtre, radio, cinéma, tout ce qu'il fait est lunaire et bien fait. Terriblement humain. Fragile. Détaché. Impliqué. Tendre. Tellement tendre...
V
C'est tellement beau!!!!<br /> Merci ma chérie
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L
Hey! Diablement heureuse de t'accueillir ici, toi que je sais faire partie des fidèles du début du commencement ♥<br /> Si ce billet t'a fait du bien, le but est atteint. Le mien autant que celui d'Edouard Baer, qui n'avait pas d'autre dessein.<br /> Je t'embrasse comme je t'aime.
G
Merci d'être passée chez la Bourlingueuse et d'avoir laissé ce commentaire sensible qui m'a fait chaud au coeur... A l'inverse d'Edouard, je n'ai pas eu à refaire la découverte de "l'autre" puisque je vis seule depuis si longtemps, et je n'ai pas non plus découvert mes voisins, qui sont mes amis depuis leur arrivée près de chez moi (je suis la doyenne de notre coin de rue) et les applaudissements du soir sont pour nous une occasion de tailler une bavette quotidienne et l'apéro-trottoir du dimanche resserre encore nos liens. La solidarité et l'amitié ont toujours été présentes entre nous...
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L
C'est toujours un plaisir de te lire, chère Gwen, avec ta pétillance et ta pertinence. Je suis heureuse de constater que tu n'as pas que de lâches cambrioleurs dans ton secteur, et que ton voisinage est chaleureux.<br /> Edouard, me semble-t-il parle d'abord à cet "on" qui peut se trouver amené, dans des circonstances particulières, à se rendre compte qu'il n'est pas la personne qu'il croyait... C'est ce qui peut arriver aux gens qui s'évertuent à se fuir eux-mêmes, à ne pas se confronter à leur vérité, leurs failles, leurs doutes... ceux qui se font croire qu'ils sont toujours beaux, toujours bons, toujours parfaits en tout... <br /> Or, heureusement peut-être d'ailleurs, on ne peut pas s'enfuir de soi-même, c'est impossible. Autant se réconcilier, faire la paix, être son propre meilleur compagnon (tout ceci pouvant être mis au féminin, bien entendu).<br /> Sans doute fais-tu partie de celles qui s'entendent bien avec elles-mêmes, et c'est tant mieux. ♥
G
Merci infiniment, du plus profond du coeur!♥
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L
Même réponse qu'à Nikole, tout ce qui contribue à l'espérance mérite d'être partagé!<br /> ♥
E
Cette porte ouverte sur le printemps qui gazouille au dehors, sur la vue des oiseaux à qui on n'a pas expliqué qu'ils étaient confinés... C'est lumineux. Oui, se rencontrer, se peser (pas sur la balance, il vaut peut-être mieux pas...), et puis voir les lilas entre les lattes du volet, et ne pas perdre tout à fait pied...
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L
Le temps nous dure, mais l'espérance fait son joli boulot, tout doucement, on avance...<br /> Sinon perso j'aurais plutôt perdu du poids, du coup j'éviterai de me peser aussi ;-)
N
MERCI !♥
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L
De rien :-) C'est important, le partage des jolies choses! ♥
K
Merci du partage !<br /> Il y a ici pour moi deux infinis poétiques avec <br /> «La vie, c’est ce qui se passe quand tout ce qu’on avait prévu n’a pas lieu»<br /> et .. "les fleurs dont on ne connaît pas le nom".
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L
Tout ce qu'on n'attendait pas...<br /> Tout ce qu'on ignore, ou dont on ignore le nom, et qui nous atteint au profond de nous...<br /> Merci d'avoir posé tes impressions!
C
émotion pour moi aussi, larmes aux yeux, larmes dans la gorge, larmes dans le coeur: la poésie dite de cette manière "urgente", éveille aussitôt la poésie qui toujours se trouve en moi!<br /> écouter ces mots, puis savourer les mots... et c'est comme un miracle: mon coeur se gonfle: oui! le printemps est bien là!<br /> Merci à toi pour ce beau texte, merci de tout coeur!
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L
Merci à Edouard Baer, surtout, ce poète si doucement foldingue et si intensément grave...<br /> Baiser du fond du ♥
A
Comme Dédé je me suis mise à pleurer... Mais j'ai la larme facile en ce moment... C'est ma façon de dire ce que je ne dis pas.. ce qu' Edouard Bauer dit si bien... Edouard, ou bien toi. Va savoir. Parfois, les mots se mélangent ..<br /> Merci pour ce partage bienfaisant
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L
En même temps pour ne pas ressentir d'émotion à cette écoute, il faut être un caillou... Pas de mélange, Edouard est tout entre guillemets. Mais sans aucun doute, il m'a influencée.<br /> ♥♥♥
A
Ah ! Cet Édouard Baer il ne manque pas de talent ! J'apprécie beaucoup cet homme.<br /> J'apprécie beaucoup sa voix sensuelle et gouleyante, comme s'il nous servait un vin délicieux ou un mets raffiné. Qui plus est le choix de la célèbre chanson de Ferré, scande et accompagne le propos et même probablement sa création.<br /> J'apprécie tout autant la retranscription du texte qui permet de relire plus calmement. Alors on attrape au vol des phrases sur lesquelles on a envie de revenir, parce qu'au passage de la voix on n'a pas eu le temps de s'en imprégner.<br /> Ce côté énigmatique qui cependant donne à réfléchir : « la vie c'est ce qui se passe quand tout ce qu'on n'avait pas prévu n'a pas eu lieu »<br /> <br /> Donc, merci pour ce petit bijou offert. Il fait tant de bien.
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L
Edouard Baer, son humour décalé, radical, discret, son talent pour l'impro, sa culture... Bien sûr le choix de "Avec le temps" n'est pas anodin... Bien sûr le fond musical scande le propos, et en fait quelque chose d'incantatoire... <br /> <br /> Par contre, la phrase énigmatique, « la vie c'est ce qui se passe quand tout ce qu'on n'avait pas prévu n'a pas eu lieu » je crains qu'elle ne résulte d'une gourance de retransmission de ma part (enfin je crains, je suis sûre). Il faut dire que j'ai fait ce que je ne fais jamais, tout d'une seule traite. De mon tout premier visionnage a surgi le désir brutal de partage, j'ai copié ce que j'entendais sur un cahier, tapé sur le blog avant de laisser jaillir une intro... Tout ça s'est fait très vite, sur une impulsion, et en lisant ta phrase, j'ai eu envie de réécouter le texte. J'ai corrigé aussitôt... Elle reste sujet à interprétations diverses, elle est quand même beaucoup plus claire "la vie c'est ce qui se passe quand tout ce qu'on avait prévu n'a pas eu lieu"... La phrase d'un sage.
D
Rho... Je me suis mise à pleurer devant cette cascade de mots et surtout à l'évocation de ce printemps presque inutile et pourtant si vivant. Un lilas qui embaume, même à travers les volets un peu pourris, reste un lilas. Et puis les fleurs dont on ne sait pas le nom, elles dodelinent de la tête, juste comme cela, car il n'y a pas de raison particulière à dodeliner de la tête, juste qu'elles sont faites pour ça. Je te souhaite une belle suite de printemps, et oui, on va le bouffer ce printemps, même que ce sera peut-être l'été déjà. Mais on s'en fout. Bises alpines affectueuses... de loin.
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L
Ah les saisons! De l'importance de la chronobiologie... Ce printemps qui partout est symbole de renaissance et nous confine comme au plus creux du plus dur des hivers...<br /> Oui les fleurs poussent, mon romarin, parti d'une misérable pousse issue d'une branche cassée, un peu comme le forsythia d'AlainX, mon romarin qui prend tout un mur aujourd'hui n'a jamais été si puissant, si épanoui, si fleuri, si accueillant pour les abeilles, qui en font une source bourdonnante incessante. Et tu as raison, même si c'est l'été, et même si c'était l'automne qui signait nos retrouvailles de "peau contre peau, sourires contre sourires", on attendra, parce qu'on s'en fout, on sait que ça reviendra. Même flanqué de récession, ce qui nous fait, nous tient, prévaudra.<br /> Bises maritimes, affectueuses, d'où tu voudras.