Histoires de vie, et de vies...
19 Mai 2020
Il y a eu ce temps étrange, sans repère ni substance, comme étirable à l'infini. La course des uns, l'immobilité des autres. Bien plus que la peur de tomber malade, la volonté sourde de ne pas transmettre. Et le désir de respirer.
Il y a eu le télétravail. Rêve pour les uns, cauchemar pour les autres. Les injonctions, toujours les mêmes, toujours pour les mêmes. L'explosion des violences, du harcèlement. Le chômage partiel. Même si mieux que le chômage tout court.
Mon romarin en fleurs a bourdonné d'abeilles comme jamais, et les agriculteurs ont travaillé comme toujours. Tous les jours. Travailleurs nourrissants.
Il y a eu les fausses informations, les mauvaises polémiques. Le grand retour du complotisme, soutenu par tel savant de Marseille, tel philosophe en bout de piste, tel politique en mal de reconnaissance, tel artiste à la parole creuse et narcissique, tel écologiste en quête de récupération.
De l'antivax au raciste, du conspirationniste à l'antisémite, une seule graine, la bêtise. Bien plus active, bien plus rapide que n'importe quel virus, elle se répand comme une langue de feu dévorant les têtes qui oublient, refusent de penser. Résister à la bêtise, aux discours fallacieux, à la course au buzz, aux titres putaclic, aux tribunes indécentes. Vital.
Il y a eu "les mots bleus" de Christophe...
Et toujours, le courage ordinaire des uns, l'inconscience scélérate des autres. Les masques jetés sur le bord de la route, les mêmes égoïstes qui jetaient négligemment leurs mégots par la vitre de la voiture.
Il y a les yeux cernés, la fatigue, le manque de sommeil, les contraintes qui s'accumulent, la charge mentale qui s'alourdit, les angoisses renouvelées, les tourments nouveaux, les problèmes humains, juridiques, financiers...
En contrebas, la mer, immuable et changeante, lisse et douce. Rien n'arrête le regard, entre reflets platine et ombres ardoisées...
Il y a aujourd'hui ce temps incertain, qui se compte difficilement et semble fait pour durer, cet entre-deux, entre deux vagues, la première ravageuse, confinante, et la seconde que l'on craint, entre l'avant et l'après, ce temps bleu et masqué.
Pourtant, au-dessus du masque, les yeux. Ils sourient. Les regards se croisent, se parlent. On n'a pas toujours besoin de mots pour se parler. "Les mots bleus", encore. Merci Christophe. Pour "les marionnettes", "la dolce vita", "les paradis perdus".
Merci Michel Piccoli. Merci d'avoir tempêté, vacillé, souri, merci pour la vérité, la simplicité, l'élégance.
Parce que c'est ce qui nous reste, au fond, peut-être, l'élégance, l'amour, l'humanité, la vie douce. La confiance. La confiance qui est le fondement de l'amour. La confiance, et la mémoire. Nous n'oublierons pas le passé, prenons garde de ne pas oublier l'avenir. Surtout l'avenir...
Parce que la vie pousse sur la mort, comme les jeunes branches sur les vieilles trognes. La vie est là. Obstinément. Dans le bois, les rhododendrons explosent de fleurs. Je m'obstine.
Crédit photos : La Lumineuse. Merci au regretté Christophe pour le titre.
Athée, laïque, féministe assurée et romantique assumée, universaliste, républicaine, rieuse et mélancolique, résolument positive dans un monde dépressif, agitatrice de cervelle, gratteuse infatigable du vernis des humains pour voir ce qu'il y a dessous...
"Je ne fais effort ni pour qu'on m'aime ni pour qu'on me suive. J'écris pour que chacun fasse son compte." Jean Giono
Voir le profil de La Baladine sur le portail Overblog