Histoires de vie, et de vies...
25 Novembre 2017
Elle est elle. Toujours. Totalement elle-même, totalement intègre. Consciencieuse. Persévérante. Elle est femme, absolument. Elle est féministe. Et, je suis navrée de vous le dire, elle commence à être fatiguée de répéter des notions qui lui semblent pourtant aller de soi. Alors, cette fois encore, c'est dans sa détermination qu'elle va puiser sa force. Elle n'a pas choisi, c'est une chose qui est venue à elle, et qui s'est imposée. Parce qu'elle sait la réalité de la vie des femmes. Elle en sait les périls. Elle les sait plus exposées, moins défendues, alors même que, elle ne le sait que trop, elles ne sont pas plus vulnérables par nature, mais par culture. Elle sait qu'aujourd'hui encore, il leur faut se battre pour investir le territoire, pour récupérer leur parole. Elle sait à quel point les femmes doivent rester vigilantes. C'est ainsi qu'elle, la réservée, la discrète, est devenue non pas militante, mais le contraire d'une silencieuse.
Cela ne signifie pas pour autant qu'elle a un problème avec les hommes. Du tout. Son problème, c'est le patriarcat, a.k.a le système culturel établi depuis la nuit des temps qui veut qu'un homme vaut plus qu'une femme. Elle pense d'ailleurs que c'est aussi un problème pour nombre d'hommes. Quid? Mais si, vous savez bien, un mec c'est viril, c'est épaulé, c'est protecteur, ça ne pleure pas, c'est stoïque, c'est puissant, ça devient papa mais ça n'élève pas les enfants... Des injonctions en veux-tu en voilà. Oui? Non? Entre nous, ceux qui en souffrent auraient tout intérêt à s'allier aux féministes qui s'attaquent, entre autres, à la déconstruction des rôles de genres, elle dit ça... Elle dit que son féminisme consiste aussi à défendre les droits des pères, soutenir les droits des homosexuel·le·s, chercher des pistes pour une virilité différente de celle du macho des années 50, qui, soit dit en passant, n'avait pas l'air si facile à incarner que ça. Voyez Don Draper, où ça l'a mené. Elle dit ça...
Le patriarcat, c'est la culture de la différence via la hiérarchie. L'homme en haut, la femme en bas. L'homme puissant, conquérant, la femme douce, fragile. Une culture de la différence qui passe obligatoirement par la supériorité de l'un sur l'autre. Qu'on l'appelle machisme, sexisme, ça revient au même. Ce sont toujours les mêmes qu'on étouffe. Benoîte Groult l'avait dit, "le féminisme n'a jamais tué personne, le machisme tue tous les jours". Le machisme, alias le sexisme, qui, elle tient à être claire sur le sujet, consiste à faire en sorte que beaucoup d'hommes se sentent autorisés à mettre la main aux fesses des femmes, et que bien des gens estiment qu'au fond, elles sont nombreuses, les femmes, à ne demander que ça... (non, elle n'a pas dit tous les hommes, non).
Elle, elle voudrait que les hommes soient hommes de la manière qui leur plaît, dans le plus grand respect de tous les individus, quelque soit leur sexe et quelque soit leur sexualité. Elle dit aussi que si une femme peut être élégante en enfilant un smoking, il n'y a aucune raison pour qu'un homme se déprécie à enfiler une jupe, du moment que ça lui plait, à lui... De quel droit porterait-elle un jugement sur un homme qui cherche à s'émanciper des stéréotypes qui lui sont imposés depuis toujours? Franchement...
A celles qui opposent leur désir de rester à la maison, de s'occuper des enfants et du reste, elle répond qu'elles sont libres de leur choix, mais qu'à son avis, ça ne peut pas leur nuire qu'il soit illégal et criminel de leur taper dessus; qu'on peut défendre le droit à l'avortement sans jamais y avoir eu recours soi-même. On n'est juste pas obligée de ne penser qu'à soi... On peut même souhaiter le meilleur pour les autres.
A ceuzécelles qui prétendent que l'égalité en tout reviendra à être tous et toutes identiques et que ça manquera de sel, elle répond qu'égalité et identité diffèrent. C'est tout. C'est bien.
Elle voudrait juste que l'égalité soit réelle partout, vivre en paix, et pouvoir passer enfin à autre chose.
Elle ne blâme pas pour autant les extrêmistes. Elle sait que celles qui sont acerbes, amères, excessives, ont pour la plupart d'entre elles un passé chargé, et elle ne voit pas au nom de quoi elle pourrait les en blâmer.
Reste l'écriture. Le fameux "le masculin l'emporte toujours sur le féminin" qu'on nous visse dans la tête dès la primaire. Hautement symbolique. Certes, appliquer l'accord de proximité (qui valait jusqu'au XVIIème siècle, Racine en est témoin, Ronsard aussi) n'est ni compliqué ni astreignant. Et si ça vous chiffonne d'écrire "le tabouret et la chaise sont blanches", écrivez donc "la chaise et le tabouret sont blancs". C'est tout bête. Le point médian, elle trouve qu'il colle parfaitement avec tout ce qui relève de l'administratif. Et inutile de s'affoler, on ne va pas réécrire Racine. Ni Ronsard. Ni Stendhal, ni Hugo, qui, soit dit en passant, parlaient d'égalité nécessaire... Quant à la féminisation des professions, ça va tellement de soi qu'elle ne conçoit pas qu'on puisse encore en être à en débattre. Il parait que l'Académie avance...
Voilà. Elle est femme, et féministe. Elle se prend des volées de bois vert et des torrents de boue, peu lui importe. On lui enjoint de se calmer, de rester aimable, subtile rhétorique qui la renvoie au stéréotype femme/hystérique/victime de ses émotions. Elle s'en fout. Elle trouve que dire humains, humaines, plutôt qu'homme quand on veut parler d'humanité, c'est juste sensé. Elle ne se bat pas pour un sexe contre l'autre, mais pour l'égalité des individus. Elle n'a pas de revanche à prendre. Pour elle tout va bien. Elle pense aux autres. Partout.
Son féminisme a l'élégance de ne mépriser personne.
* "On a longtemps pris la parole de l'homme pour la vérité universelle et la plus haute expression de l'intelligence, comme l'organe viril constituait la plus noble expression de la sexualité. Il faut que les femmes crient aujourd'hui. Et que les autres femmes - et les hommes- aient envie d'entendre ce cri. Qui n'est pas un cri de haine, à peine un cri de colère, car alors il devrait se retourner contre elles-mêmes. Mais un cri de vie. Il faut enfin guérir d'être femme. Non pas d'être née femme, mais d'avoir été élevée femme dans un univers d'hommes, d'avoir vécu chaque étape et chaque acte de notre vie avec les yeux des hommes et les critères des hommes. Et ce n'est pas en continuant à écouter ce qu'ils disent, eux, en notre nom ou pour notre bien, que nous pourrons guérir." Benoîte Groult, 1975
Athée, laïque, féministe assurée et romantique assumée, universaliste, républicaine, rieuse et mélancolique, résolument positive dans un monde dépressif, agitatrice de cervelle, gratteuse infatigable du vernis des humains pour voir ce qu'il y a dessous...
"Je ne fais effort ni pour qu'on m'aime ni pour qu'on me suive. J'écris pour que chacun fasse son compte." Jean Giono
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