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Histoires de vie, et de vies...

Une pureté si dangereuse - 3

Une pureté si dangereuse - 3

Malou a retenu de justesse un "tu déconnes?" dont elle sait qu'il risque d'être trop bien interprété. Mais quand même, Lénine... Lénine! Elle a beau être blonde et bleue, elle n'ignore rien de la Terreur rouge, de l'épuration cosaque et de l'extermination des Romanov. Elle a beau être jeune et pas dépourvue de naïveté (sinon à quoi servirait la jeunesse), une petite voix dans sa tête, irrespectueuse comme un môme qui trottine sur une pelouse interdite, lui susurre (depuis le dîner de gambas très exactement) qu'une vie épanouie risque d'être difficile avec un type qui se revendique humaniste et peut tenir sans sourciller des propos d'une radicalité inquiétante, de surcroît pas forcément assortie à sa façon de vivre (la radicalité). Parce que depuis le dîner de gambas, justement, Malou s'est mise à écouter Maximilien les yeux fermés. 

Drôle d'idée? Pas tant que ça: quand Malou écoute Maximilien les yeux ouverts, elle le voit. Logique, me direz-vous, mais le problème, c'est que quand elle le voit, elle le regarde, et du coup, si elle entend bien la voix, le souffle, les modulations, les silences, les envolées et les fêlures, elle n'entend pas les mots. Cet homme exerce sur elle une attraction fatale qui prive instantanément son cerveau d'une partie de ses fonctions cognitives.

Elle a donc fermé les yeux. Elle a écouté, avec une ferveur qui n'a pas tardé à virer à la  consternation, Maximilien conspuer férocement les xénophobes, les nationalistes, les anti-musulmans, les anti-républicains, les agitateurs, les conspirateurs; et, dans la foulée, avec les mêmes mots, la même violence, la même haine pas vraiment voilée, les libéraux, les capitalistes, les riches, l'élite gouvernante, l'Europe, le FMI, l'OMC, l'économie de marché... "Le monde réel", pense Malou qui, paupières baissées, a récupéré sa conscience, et son raisonnement; "lecture binaire, clivante, exagérée du monde", constat désolé. D'autant que la moindre objection sonne comme une offense aux canons de la pureté qu'il défend. On est avec lui, ou on est contre lui.

Tout ça, Malou, ça la turlupine et lui met les nerfs en pelote. A la copine qui avait ricané "trop beau pour être honnête", elle avait vertement répondu que le délit de belle gueule restait de la discrimination; mais à celle qui, au terme d'une soirée où Maximilien s'est révélé particulièrement inspiré par sa cause, a tranquillement cité Aron: "le mythe révolutionnaire jette un pont entre l'intransigeance morale et le terrorisme", elle n'a pas su quoi répondre. La même copine, quelques jours plus tard, l'a prise entre quat'z'yeux: "dis-donc, tu réalises que chez toi c'est devenu un vrai foutoir, passablement dégueulasse, en plus?"

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À propos
La Baladine

Athée, laïque, féministe assurée et romantique assumée, universaliste, républicaine, rieuse et mélancolique, résolument positive dans un monde dépressif, agitatrice de cervelle, gratteuse infatigable du vernis des humains pour voir ce qu'il y a dessous... "Je ne fais effort ni pour qu'on m'aime ni pour qu'on me suive. J'écris pour que chacun fasse son compte." Jean Giono
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L
Etonnamment quand la petite voix dans la tête sussurre que quelque chose cloche, on a plutôt tendance à garder les yeux ouverts - parce que cette histoire est tellement belle. On ne va pas tout gâcher avec des "drôles" de pensées.
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L
Vouiii, ça marche un temps...
M
Petites touches, approche sensible et venin redoutable, un beau portrait de malfaisant!
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L
Un tout petit peu égotique, tu crois?
X
Pour en finir avec les métaphores électriques,je crois que le compteur ne va pas tarder à disjoncter.L'échauffement des circuits causé par l'incompatibilité des courants,le "continu" ne va pas avec "l'alternatif".<br /> Pas facile pour Malou,il lui faut et c'est paradoxal ,fermer les yeux pour mieux voir ,prendre du recul,analyser les choses,prendre conscience enfin...Elle est probablement très jeune,un peu naïve,insouciante et sans s'en rendre compte,elle commence à acquérir ce que l'on appelle l'expérience...De la vie.Le suspense est savamment distillé,pas trop à la fois.Avec une histoire que tout le monde peut facilement imaginer,tu tiens le lecteur en haleine.Impatient que je suis de lire la suite.
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L
Rrrooo, merci... Merci. :-)
H
Curieux... Je glisse sur la relation des sens bien "terre-à-terre" pour ne pas s'y arrêter, tellement cela fait du "merveilleux déjà vu des million de fois"...<br /> Là où une relation devient intéressante, c'est lorsqu'il y a autre chose que le rapport peau contre peau...<br /> Et c'est là que cela devient curieux : le débat devrait s'installer ! Confrontation d'idées, d'opinions, de réflexions...<br /> Mais non. On entre dans le triste duel manichéen "oui" ou "non". Le genre de relation qui n'en est pas une, relation de dominant à dominé...<br /> Insipide et chaotique, selon moi ; si l'on n'est pas dépendants des sens tels que le plaisir, la sensualité, la volupté, le romantisme à deux sous...<br /> Bref, la vraie vie est réflexion avant d'être action...<br /> Du moins c'est ce que je pense.<br /> Bonne et fraiche soirée.
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L
Chacun son truc, serais-je tentée de dire, mais en fait, je ne me suis jamais privée ni d'action, ni de réflexion. Par contre, je sais que chacun vit sa vie et perçoit les choses selon un rythme qui lui est propre.Et je me garde bien de juger hâtivement. Pas plus l'un(e) que l'autre.<br /> La soirée va être chaude. De partout.
C
Elle me semble quand même bizarre, cette fille: elle n'a visiblement pas du tout les mêmes idées que lui, mais alors serait-ce qu'elle ne s'intéresserait qu'au physique ? Bon, pour une simple aventure sexuelle, c'est parfait. Il n'y a pas de mal à se faire du bien... Mais parler d'amour...<br /> Moi, j'aurais beaucoup de mal à tomber amoureuse de quelqu'un dont je ne partage absolument pas les convictions à ce point...On peut avoir des divergences, bien sûr, mais être à l'opposé, comme dans ton histoire, ça ne me semble pas possible.<br /> <br /> Cela n'engage que moi, bien sûr... ;-)<br /> Jusqu'où iront-ils tous deux ? Le suspense est torride...<br /> Bises célestes<br /> ¸¸.•*¨*• ☆
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L
Aurais-je parlé d'amour? Hormis celui qu'on pratique au corps à corps, évidemment... ;-) D'autant qu'il me semble expliquer que la contemplation du monsieur brouille quelque peu les idées de la jeune personne, peut-être juste encore assez jeune et inexpérimentée pour confondre désir et sentiment... Sinon, je ne te ferais pas le coup des extrêmes (contraires, opposés etc) qui s'attirent!<br /> Bises nocturnes de nuit qui tarde à envahir la fenêtre
A
Mélanchon en blond ! et en beau !...<br /> le rêve !
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L
Le rêve, le rêve... Ça dépend pour qui! ;-)
H
J'attends la suite, je sens venir la valise sur le palier, fermer les yeux, une bonne idée.
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L
Quelle est la goutte qui va faire déborder le vase, là est la question! :-D
P
C'est bien connu, l'amour rend aveugle,<br /> alors fermons les yeux pour mieux voir...<br /> Et si nous regardions avec les mains ? :-)))
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L
Oui, mais toi tu as un samouraï! ;-)
L
Moi, je suis POUR regarder avec les mains.
L
L'escort boy, c'est une manière de job, et les clientes sont plutôt riches, sinon à quoi bon?<br /> Pour le reste, wait and see! ;-)
V
Et bien justement à propos de gouttes, quand on enseigne l’anglais à mi temps cela prend du temps d’acheter le vase.<br /> <br /> Maximilien issu d’une lignée d’aristocrates fonctionnaires est en fait un rentier ou plus drôle escort boy. <br /> Sinon, il n’est pas un vulgaire pique-assiette j’espère !<br /> Alors ? Suis-je sur la bonne voie ou me fourvoyé-je ???
L
Ah non, déjà qu'elle a besoin de ne pas le regarder pour l'entendre, alors si elle le touche, tu imagines? Oui, je vois, tu imagines très bien ;-)
L
Bref, y a-t-il une réelle différence entre un censément de "gôche" Staline prétendant que "le socialisme, c'est les soviets plus l'électricité" et un censément "anti état" Hayek qui prétendait "democracy is an impediment" ?<br /> Sacré Maximilien.<br /> L'empereur "Maximilien d'on triche".
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L
L'époque à laquelle ils ont écrit tous deux correspondait à un état d'esprit en France qui était plus favorable à Sartre qu'à Aron.<br /> En plus Aron était juif à un moment où la "gôche" trouvait raisonnables les régimes soviétiques de l'Est qui eux, ne cachaient pas leur antisémitisme.<br /> Evidemment, un Sartre avec ses "réflexions sur la question juive" qui fait un lien entre le judaïsme et le libéralisme ne pouvait que convaincre des gens qui se demandaient pourquoi ils n'aimaient pas les juifs et en avaient vaguement honte parce qu'il n'y avait pas de raison objective à ça.<br /> Sartre, en pensant régler le problème de l'antisémitisme leur avait fourni une bonne raison : Le juif est libéral et pas vraiment chez lui quelque part.<br /> C'est vachement mieux que Aron qui leur disait en substance "Soyez libres vous ! Refusez les injonctions qui n'ont d'autre but que vous asservir !"<br /> Même si Spinoza, qui n'était pas si con, avait pigé que la liberté est un leurre... ;-)
L
J'aime bien Raymond Aron. Il était réaliste, résolument opposé aux dogmes, au totalitarisme, et profondément raisonnable. :-) Si seulement il avait eu le génie littéraire de Sartre, il aurait laissé une trace bien plus marquante encore!
L
C'est bien le problème : Hayek et Aron se réclament tous deux du libéralisme.<br /> Tous deux parce qu'ils détestent la forme que l'Etat a prise.<br /> Ces deux formes qu'ils détestent sont opposées et chacun a une vision qu'il prétend libérale de l'effacement de l'Etat, du moins de la diminution de l'emprise de celui-ci.<br /> Du coup, il y en a un qui pense que l'état devrait se limiter à un certain nombre de rôles, l'autre qui pense carrément qu'il vaut mieux éviter de demander son avis au peuple parce que ça tourne mal...
L
Mais pour répondre à ta question, je crois que tous les intégrismes mènent au même danger, celui des pires actes en faveur d'une cause pure, ne souffrant ni question, ni contradiction.
L
Tu me cites Hayek exprès, hein? Là j'étais plutôt sur Raymond Aron, libéral aussi, surtout attaché à l'indépendance (enfin si j'ai bien tout compris :-p)