Histoires de vie, et de vies...
15 Août 2016
Je suis un peu fâchée avec mon magazine préféré, depuis quelque temps. Un peu, pas tout le temps... Mais souvent, quand même...
J'ai toujours vu ELLE à la maison, j'ai grandi avec, ma mère le lisait chaque semaine en le commençant par la fin, les magazines s'empilaient, je les lisais tous, en commençant n'importe où. J'ai énormément appris en lisant ELLE, sur la vie, sur les femmes, sur la vie des femmes. Parce qu'ELLE, au-delà d'être un journal de mode, pop, imaginatif, était un journal fondé par une femme, dirigé par une femme, rédigé par des femmes, pour les femmes, toutes les femmes. Un journal sophistiqué, mais pas trop. Pétulant. Impertinent.
Grâce à ELLE, j'ai lu Giroud, Sagan, Mallet-Joris, de Beauvoir, Duras. J'ai suivi les combats de Gisèle Halimi, de Simone Veil, d'Elisabeth Badinter... J'ai découvert le féminisme, Benoîte et Flora Groult, Michèle Perrein, Denise Dubois-Jallais, Susan Sontag, et j'en oublie forcément... Notamment Marcelle Segal et son inénarrable courrier du coeur, où elle tançait vertement ces dames pour qu'elles acquièrent leur autonomie! Un régal!
ELLE célébrait la beauté, la mode, l'élégance, les mannequins étaient des bombes pulpeuses qui respiraient la sensualité ET la santé (si, si la preuve plus bas) et les couturiers s'appelaient Yves Saint-Laurent, Karl Lagerfeld et Christian Lacroix, rien que ça...
ELLE vous distillait des petites adresses délicieuses et pas snobs où il faisait bon muser quand on filait à Paris, on collectionnait les fiches cuisine et on notait précieusement les conseils beauté, qu'on s'empressait d'oublier, mais on feuilletait les pages sublimes des Spécial Beauté juste pour le plaisir! (je sais, là aussi il y a de la retouche, mais quand même, numéro culte!)
Le futile ne masquait pas la profondeur, et le formatage n'avait pas droit de cité.
ELLe vous poussait à être une femme émancipée, moderne, impertinente, à l'heure où ça n'allait pas forcément de soi (si tant est que cela aille de soi aujourd'hui).
Et puis, quelque chose a basculé. Est-ce l'époque qui a voulu ça? Dans mon ELLE, a surgi la dictature de l'apparence: régimes à tout va, chirurgie esthétique, médecine esthétique (c'est pareil mais ça fait moins peur), photos retouchées, mannequins chétives à qui on a toujours envie de payer un sandwich aux rillettes de canard, diktats saisonniers de la mode, reportages pipolesques, j'en passe et des pires. Le paraître a pris le pas sur l'être. Et j'ai commencé à me fâcher avec mon ELLE.
Dans mon ELLE, les quadra, quinqua, sexa n'ont pas le front botoxé, les joues gonflées à bloc à l'acide hyaluronique et le sourire tendu comme un string, façon Ines de la Fressange, Sharon Stone ou, encore, Alix Girod de l'Ain.
Dans mon ELLE, on fait pas l'apologie de la maigreur dans les pages mode, tout en feignant de la dénoncer dans un numéro Spécial Rondes, pour ensuite pondre un énième numéro Spécial Régime en mai.
Et je pourrais en faire des kilomètres, mais ça me file autant de colère que de chagrin. Alors je me dis que mon ELLE, c'est aussi ça.
Mais non, mon ELLE n'est pas schizophrène...
Athée, laïque, féministe assurée et romantique assumée, universaliste, républicaine, rieuse et mélancolique, résolument positive dans un monde dépressif, agitatrice de cervelle, gratteuse infatigable du vernis des humains pour voir ce qu'il y a dessous...
"Je ne fais effort ni pour qu'on m'aime ni pour qu'on me suive. J'écris pour que chacun fasse son compte." Jean Giono
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