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Histoires de vie, et de vies...

Dans mon ELLE

Dans mon ELLE

Je suis un peu fâchée avec mon magazine préféré, depuis quelque temps. Un peu, pas tout le temps... Mais souvent, quand même...

J'ai toujours vu ELLE à la maison, j'ai grandi avec, ma mère le lisait chaque semaine en le commençant par la fin, les magazines s'empilaient, je les lisais tous, en commençant n'importe où. J'ai énormément appris en lisant ELLE, sur la vie, sur les femmes, sur la vie des femmes. Parce qu'ELLE, au-delà d'être un journal de mode, pop, imaginatif, était un journal fondé par une femme, dirigé par une femme, rédigé par des femmes, pour les femmes, toutes les femmes. Un journal sophistiqué, mais pas trop. Pétulant. Impertinent. 

Grâce à ELLE, j'ai lu Giroud, Sagan, Mallet-Joris, de Beauvoir, Duras. J'ai suivi les combats de Gisèle Halimi, de Simone Veil, d'Elisabeth Badinter... J'ai découvert le féminisme, Benoîte et Flora Groult, Michèle Perrein, Denise Dubois-Jallais, Susan Sontag,  et j'en oublie forcément... Notamment Marcelle Segal et son inénarrable courrier du coeur, où elle tançait vertement ces dames pour qu'elles acquièrent leur autonomie! Un régal!

ELLE célébrait la beauté, la mode, l'élégance, les mannequins étaient des bombes pulpeuses qui respiraient la sensualité ET la santé (si, si la preuve plus bas) et les couturiers s'appelaient Yves Saint-Laurent, Karl Lagerfeld et Christian Lacroix, rien que ça...

 

Dans mon ELLE
Dans mon ELLE

ELLE vous distillait des petites adresses délicieuses et pas snobs où il faisait bon muser quand on filait à Paris, on collectionnait les fiches cuisine et on notait précieusement les conseils beauté, qu'on s'empressait d'oublier, mais on feuilletait les pages sublimes des Spécial Beauté juste pour le plaisir! (je sais, là aussi il y a de la retouche, mais quand même, numéro culte!)

Le futile ne masquait pas la profondeur, et le formatage n'avait pas droit de cité.

ELLe vous poussait à être une femme émancipée, moderne, impertinente, à l'heure où ça n'allait pas forcément de soi (si tant est que cela aille de soi aujourd'hui).

Et puis, quelque chose a basculé. Est-ce l'époque qui a voulu ça? Dans mon ELLE, a surgi la dictature de l'apparence: régimes à tout va, chirurgie esthétique, médecine esthétique (c'est pareil mais ça fait moins peur), photos retouchées, mannequins chétives à qui on a toujours envie de payer un sandwich aux rillettes de canard, diktats saisonniers de la mode, reportages pipolesques, j'en passe et des pires. Le paraître a pris le pas sur l'être.  Et j'ai commencé à me fâcher avec mon ELLE.

Parce que quand je lis ça :
Dans mon ELLEDans mon ELLE

 

ça me vrille les nerfs à m'en donner mal au coeur, ni plus ni moins. Parce que non, madame Girod de l'Ain, les stéréotypes ne sont pas plus forts que tout. Et on ne peut, à tout le moins, prétendre les combattre en présentant les femmes comme les victimes d'un féminisme dictatorial (ce qui est, entre autres, l'argument principal des anti-féministes).
 
ELLE, dirait-on, ne sait plus nous dire que nous sommes des femmes toutes différentes, et que nous devons nous revendiquer comme telles. ELLE veut nous faire croire qu'il n'y a qu'une façon d'être femme, celle qui apparaît dans ses pages, famélique, faisant la gueule et piquousée dès la trentaine. ELLE croit jouer les provocatrices en affichant du psycho-sexo sur toutes ses unes, parce qu'ELLE veut nous persuader que le sexe n'est au fond rien de plus qu'une pratique, ELLE nous dit que le féminisme oui mais pas trop, parce qu'il ferait beau voir qu'on nous prive "de notre droit inaliénable à être des princesses", n'est-ce pas, Alix Girod de l'Ain, que toutes les petites filles, et même les quinquas, leur rêve, leur ambition, c'est d'être une jeune vierge qui se fait fouetter le clitoris par un milliardaire inexpressif #50 shades of grey... Bref, ELLE déraille, ELLE déconne. ELLE est devenu le journal emblématique des clichés féminins... 
 
Voilà pourquoi je suis fâchée avec le magazine de mon enfance, de mon adolescence, de ma vie de jeune adulte... 
 
J'aimerais retrouver l'esprit conquérant, insolent de ces années-là... J'aimerais revoir des couvertures comme celles-là:
Dans mon ELLE

Dans mon ELLE, les quadra, quinqua, sexa n'ont pas le front botoxé, les joues gonflées à bloc à l'acide hyaluronique et le sourire tendu comme un string, façon Ines de la Fressange, Sharon Stone ou, encore, Alix Girod de l'Ain. 

Dans mon ELLE, on fait pas l'apologie de la maigreur dans les pages mode, tout en feignant de la dénoncer dans un numéro Spécial Rondes, pour ensuite pondre un énième numéro Spécial Régime en mai.

Et je pourrais en faire des kilomètres, mais ça me file autant de colère que de chagrin. Alors je me dis que mon ELLE, c'est aussi ça.

Mais non, mon ELLE n'est pas schizophrène...

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À propos
La Baladine

Athée, laïque, féministe assurée et romantique assumée, universaliste, républicaine, rieuse et mélancolique, résolument positive dans un monde dépressif, agitatrice de cervelle, gratteuse infatigable du vernis des humains pour voir ce qu'il y a dessous... "Je ne fais effort ni pour qu'on m'aime ni pour qu'on me suive. J'écris pour que chacun fasse son compte." Jean Giono
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L
Dis toi que dans leur ELLE, la femme ne peut éternuer sous peine de se déchirer.<br /> Dis toi aussi que le féminisme n'est pas réservé aux femmes...
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L
J'ai dis ça?
H
je suis fâchée avec Elle depuis des années, j'ai repris Télérama que j'avais laissé tomber. Il m'arrive de lire Elle chez le dentiste lorsqu'il a du retard.
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L
Je suis une indécrottable fidèle à mes vieilles amours, et j'y reviens de loin en loin... Il m'arrive de tomber sur un article ou un éditorial pépite, ça me fait quelques minutes de joie!
M
Un mouvement d'humeur que j'approuve d'ailleurs je viens de faire un break, j'ai arrêté ELLE et me suis abonnée à MATCH mais juste pour changer car ce magazine a lui aussi ses défauts...hélas!
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L
C'est toujours bon le changement, pour le moral, pour l'humeur, pour le teint! Mais c'est vrai, il y aurait beaucoup à dire sur la presse et les médias!... Quoiqu'il en soit, merci d'être venue me lire jusqu'ici!
L
Bon ça c'est fait ;) j'ai entendu tes mots à mes oreilles mais, cette qualité d'humeurs doit absolument dépasser ce blog confidentiel ;)
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L
Merci mon doux ami! Partage, partage!