Histoires de vie, et de vies...
13 Octobre 2016
Quincado. Rien que le mot me chiffonne, et je n'aime pas être chiffonnée, si ce n'est par la main du Paladin. Comme je l'ai déjà dit quelque part, on a bien assez d'une adolescence dans une vie; et qui veut donc nous faire croire que cet âge est un paradis perdu?
Tout a commencé avec un article relayé par une amie quinqua sur FB. D'abord j'ai souri, amusée. Ensuite je me suis agacée. Et même, j'ai détesté. Parce que je crois aux mots, à l'importance des mots dans une vie, à l'influence qu'ils peuvent avoir sur une vie. J'ai en tête certains mots, certaines phrases tellement exactes, tellement rondes qu'elles ont dessiné des voies lactées dans mon ciel, des mots qui ouvrent des voies, qui donnent des ailes, qui poussent à oser.
Mais les mots qui étiquettent, qui rangent, qui plient les êtres comme des pulls (fussent-ils en cachemire double fil) à glisser dans des tiroirs, les phrases qui plombent, qui nivellent, les phrases qui définissent les modes et le flot commun, je les fuis.
Cette phrase de Nuala O'Faolain, par exemple, me gêne aux entournures: "la cinquantaine, c'est l'adolescence qui revient de l'autre côté de la vie". Alors quoi, retour à l'âge de crise, du plaisir immédiat et transgressif, de la vue à court terme, du narcissisme? Ben... non. Moi d'abord, ça ne me vient pas, ça ne me va pas. Est-ce parce que mes cinquante-cinq ans demeurent habités par la bienheureuse petite inquiétude de l'amour? Sans compter cette autre, d'inquiétude, qui ne cessera qu'avec mon souffle, l'inquiétude maternelle... Moi d'abord, allons, c'est une blague?
Cette autre phrase: "la cinquantaine, c'est l'adolescence avec une carte bleue" (F. Foresti), là, carrément, elle me navre. Non que je crache sur les sous, c'est pratique les sous, mais on ne va quand même pas réduire une vie à ça. On paie déjà pour tout, continuellement, en toutes circonstances, cher, très cher, trop cher, on paie pour voir, pour sortir, pour boire, pour bouger, et même pour faire pipi!!! En résumé, si tu consommes et sur-consommes, tu vis, sinon, tu as raté ta vie. Et pourquoi pas résumer une vie et sa réussite à la possession d'une Rolex, tant qu'on y est?
Non, je ne suis pas ça, je ne suis pas que ça. Je refuse d'être réduite à une catégorie.
Je suis moi. Je vieillis. Ça se voit? Ben oui, tiens! J'ai la tête que j'ai, la tête de mon âge. Et alors, quoi de plus normal? Vraiment, le culte du jeunisme m'agace. Pire, je crois sincèrement que se penser ado avec trente-cinq ou quarante ans de retard, ça mène tout droit au gâtisme.
Non, je ne suis pas passéiste. Non, je ne refuse pas d'être moderne. Oui, j'ai envie de jouir de la vie, encore, et encore! Je ne m'en prive d'ailleurs pas. Je n'ai pas pour autant envie de squatter la place de ma lumineuse fille, elle qui affiche santé et beauté resplendissantes (insolentes diront les quincados), qu'aucune aiguille ou photoshop n'a besoin de retoucher!
Moi, sa mère, je suis au temps de l'entre-deux. Plus très jeune, pas encore vieille. J'ai perdu mes joues lisses et pleines, mais à l'intérieur, la fraîcheur est intacte, la seule qui compte, celle du désir, le désir de tout ce qui est beau, et bon, et grand. J'avance, c'est tout.
Je m'aime bien, au fond. Je n'ai rien de fantastique, mais je continue à bien m'aimer. Telle que je suis, doucement, tendrement vieillissante.
Et vous? La tendresse?
Athée, laïque, féministe assurée et romantique assumée, universaliste, républicaine, rieuse et mélancolique, résolument positive dans un monde dépressif, agitatrice de cervelle, gratteuse infatigable du vernis des humains pour voir ce qu'il y a dessous...
"Je ne fais effort ni pour qu'on m'aime ni pour qu'on me suive. J'écris pour que chacun fasse son compte." Jean Giono
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